Une mission comme les autres

— Mademoiselle, non ! Vous ne pouvez pas aller là !
On lui avait dit que Héloïse Dorange n’en faisait qu’à sa tête. Il avait été prévenu et il s’était même préparé à cette éventualité. Auguste aimait prévoir des phrases types à servir à ses supérieurs. Il aimait avoir un cadre dans lequel évoluer. Il aimait savoir à l’avance ce qui allait se passer.
Mais, bien évidemment, avec la fille de la Présidente, cela s’était avéré impossible.
La journée avait pourtant bien commencé. Il l’avait sagement récupérée devant sa porte, sourire aux lèvres, salutations polies. Elle était aussi belle que sur les photos des journalistes. Aussi charmante que sur les vidéos d’apparition qu’elle avait faites avec sa mère. Aussi douce que ce qu’il s’était imaginé en l’entendant parler.
Si Auguste savait rester professionnel, il n’en restait pas moins pourvu d’un cœur et ce dernier avait flanché pour elle.
Mais depuis qu’ils avaient quittés les appartements de la jeune femme, son palpitant n’avait cessé d’être mis à mal. Comment ne pas être affolé quand votre protégée disparaissait sans laisser de trace ? Comment rester stoïque quand vous la retrouviez, quelques minutes plus tard, attablée à la terrasse d’un café, sans même que vous ayez pu vérifier le périmètre de sécurité ?
Il avait bien du mal à se contenir, voilà ce qu’il devait être avoué.
Heureusement, ce ne serait que pour la journée. Cela le rassurait de se rappeler cette toute petite information, essentielle à son bien-être. Il ne serait fou que pendant douze heures. Treize, si l’équipe habituelle tardait à rentrer au bercail.
— Mademoiselle Dorange !
Il attrapa la blonde par le poignet, certain de se faire réprimander pour ce geste par la suite, et la ramena à lui lorsqu’un scooter fila à tout allure devant leur nez. Elle n’avait pas regardé avant de traverser. Le coin était pourtant truffé de surprises comme celle-ci, Château-Rouge n’étant pas le quartier le plus calme de Paris.
— J’ai bien compris que vous étiez enchantée d’aller au marché exotique, qu’importe les interdictions que mes chefs m’ont données et que je vous ai transmises, mais ça ne veut pas dire que vous devez vous jeter sous les roues des voitures. Vous vous fichez peut-être de votre vie, mais je tiens à la mienne. Comme elle est. C’est-à-dire avec mon poste de rêve bien en main. Je ne peux pas vous perdre, mademoiselle, sinon ce sera mon travail qui disparaîtra également.
Auguste, après son petit discours qu’il espérait efficace, relâcha la main délicate dont il s’était saisi et montra le passage piéton du menton. Il glissa ensuite sa paume dans le bas du dos de Héloïse, l’effleurant sans jamais la toucher sérieusement, et l’entraîna à sa suite.
Les regards se braquaient sur eux, deux blancs dans un univers qui n’était pas le leur, mais il ne voyait aucune antipathie à leur encontre. Ils n’étaient qu’une curieuse attraction. Tant mieux, c’était sûrement ce qu’Héloïse cherchait.
Le jeune agent de la BRI l’avait compris, la femme qu’il surveillait ne souhaitait qu’une chose : décrédibiliser sa mère. Quoi de mieux qu’être reconnue dans un quartier où elle n’était pas censée être vue ?
— Vous vouliez acheter quoi ici ? Y a un super petit restaurant d’Afrique de l’Ouest dans le coin, si ça vous intéresse.
Si elle voulait manger, il avait les bonnes adresses. Mais, connaissant la réputation de la jeune femme, il se doutait que ses intentions n’étaient pas aussi pures. Tant qu’elle n’achetait pas de la CN devant lui…